Mounira Elbouti a ébloui le jury : interview de la vainqueure de MT180 finale UPL 2022

« […] on peut être étranger et faire une thèse dans une langue qui n’est pas forcément notre langue maternelle et réussir. On peut être maman et thésarde et réussir, on peut être journaliste ET chercheur et réussir. »

Publié le 12 avril 2022 Mis à jour le 11 mai 2022

Présenter avec humour sa thèse en sciences de gestion ? Mounira Elbouti s'est lancée - et a relevé - ce défi . Elle est membre de l’Université Paris Nanterre et a remporté, le 17 mars dernier, la finale de la ComUE Université Paris Lumières (UPL) du concours de vulgarisation “Ma thèse en 180 secondes".

Elle nous raconte son expérience et nous en dit plus sur ses recherches qui vont parler à beaucoup d’entre nous (que votre profil soit étudiant ou actif) : transformation numérique, inclusion des femmes, télétravail, parentalité.

 

L’équipe Point Commun : Bonjour, merci d’avoir accepté de répondre à nos questions. Pour commencer : toutes nos félicitations ! 

Pour commencer : que retenez-vous de cette expérience ? Que vous a-t-elle apporté ?


Mounira Elbouti : Cette expérience a été très enrichissante pour moi sur tous les plans. Professionnellement, pendant que je préparais mon pitch, je repensais à ma thèse, à ma problématique et aux implications de la recherche en cours.

Sur le plan personnel, cela fait beaucoup de bien pour un doctorant de voir personnes qui sont dans la même situation  et de penser à autre chose qu’à sa thèse. Grâce à ma thèse en 180 secondes, j’ai connu neuf jeunes chercheurs avec qui j’ai passé des moments sincères de partage et de solidarité.      

Aussi, je garde bien en tête qu’une recherche ne vaut rien sans le partage et que la diffusion des travaux scientifiques est tout aussi importante que leur bon déroulement. Sinon pourquoi faisons nous de la recherche ?
J’ajouterai qu’à présent et grâce à mon pitch, je peux facilement expliquer aux gens ce que je fais et cela m’a facilité l’accès à mes cibles de terrain : personnes, entreprises qui souvent ne comprenaient pas ma démarche méthodologique et avaient donc du mal à répondre à mes questions.    

 

«  [] je pense sérieusement que le moment est venu pour nous casser ces stéréotypes dans le monde de la recherche et de cesser de croire qu’un thésard ou un chercheur est une personne qui travaille 14H par jour et qui n’a aucune vie en dehors de sa thèse. »

Mounira Elbouti


Qu'est-ce qui vous a donné l’envie d’y participer ?

Mounira Elbouti : Avant d’emprunter ce chemin qui est, je l’avoue, souvent semé d’embûches car, on ne va pas se mentir : la recherche est un processus complexe et assez lent, j’étais journaliste et j’ai toujours eu pour objectif de concilier l’inconcevable pour certains : recherche et communication. La vulgarisation scientifique est au cœur de ma démarche et je ne me cache pas de ma casquette de journaliste, souvent perçue comme étant péjorative dans le monde académique. Pour moi, on peut très bien être les deux et je veux être les deux : chercheure et journaliste pour enrichir l’un et l’autre.

Telle est mon approche, et je pense sérieusement que le moment est venu pour nous casser ces stéréotypes dans le monde de la recherche et de cesser de croire qu’un thésard ou un chercheur est une personne qui travaille 14H par jour et qui n’a aucune vie en dehors de sa thèse.

Et oui, on peut être étranger et faire une thèse dans une langue qui n’est pas forcément notre langue maternelle et réussir. On peut être maman et thésarde et réussir, on peut être journaliste ET chercheur et réussir. Tout dépend de nos objectifs et de notre propre perception de la recherche et surtout, des raisons qui nous ont poussé à faire de la recherche.

Que voudriez-vous dire aux doctorant.es et futurs docotrant.es qui hésitent encore à se lancer dans MT180 en 2023 (ou un.e étudiant.e pour un concours d’éloquence par exemple) ?

Mounira Elbouti : Je pense que les doctorants ont assez entendu les discours sur l’importance de sortir de sa zone de confort et de tenter de nouvelles expériences. A mon avis, le plus important, c’est de savoir s’écouter, d’avoir un regard objectif sur sa recherche et en l’exposant au public on ne peut que voir son impact. Et ses failles surtout dans la communication.

Personnellement, après le concours, j’ai relu mes chapitres et j’ai repensé mon plan non pas parce que je doutais de mon écrit parce que car la lumière jaillit de l’échange et de la perception d’autrui de notre travail.
En termes de communication, j’ai appris à mieux exprimer mes idées et à en garder l’essentiel ce qui est un exercice nouveau car en thèse on ne se limite pas quand il s’agit de nombre de mots mais là quand on dit 3 minutes c’est 3 minutes !

 

Vous avez explicité votre thèse “Transformation numérique et inclusion organisationnelle dans une perspective de genre” par le biais du télétravail et de la garde d’enfants, pouvez-vous nous en dire plus ?

Mounira Elbouti : Ma thèse porte en effet sur l’influence de la Transformation numérique sur l’inclusion des femmes notamment à travers la culture organisationnelle. J’ai choisi de l’illustrer par l’exemple de télétravail car c’est l’outil de Transformation numérique le plus connu et qui de plus est d’actualité surtout depuis la pandémie. 

 

«  [] après le concours, j’ai relu mes chapitres et j’ai repensé mon plan non pas parce que je doutais de mon écrit parce que car la lumière jaillit de l’échange et de la perception d’autrui de notre travail. »

Mounira Elbouti

Concrètement, comment avez-vous mené ce travail ? Quels ont été vos outils et méthodes ?

Mounira Elbouti : Je suis partie de ma propre expérience de maman et thésarde et j’ai essayé de simplifier les étapes de ma thèse et d’expliciter ses objectifs en des termes simples et en suivant une logique compréhensible par le public, dans une démarche pédagogique que j’applique dans les cadres des cours que l’enseigne à l’Université de Paris Nanterre et à l’IPAG Business School.   




Quelle est votre ED, votre discipline et ses particularités  ?

Mounira Elbouti : J’appartiens au laboratoire CEROS et à l’ED 396 Economie, Organisations, Société  qui une ED pluridisciplinaire offrant un potentiel de recherche exceptionnel en sciences humaines et sociales. Je suis également affiliée à la chaire de Recherche IPAG Entreprise Inclusive de l’IPAG BS. 

Ma thèse est co dirigée par le professeur Faouzi Bensebaa de l’Université Paris Nanterre et le professeur Maria Giuseppina Bruna de l’IPAG Business School. 


 

Quel est votre parcours académique mais aussi le cheminement personnel qui vous a fait choisir ce métier ?

Mounira Elbouti : Après une licence en économie internationale et un mastère de recherche en gestion  des organisations, j’ai changé d’horizon et j’ai travaillé pendant quelques années en tant que journaliste avec un intérêt accru aux problématiques sociétales. J’ai également travaillé pour des cabinets de conseils et mené des missions de consulting en freelance. 

Algéro tunisienne d’origine, je suis arrivée en France en 2019, et je me suis inscrite en thèse quelques temps après. Mes activités journalistiques n’ont pas été interrompues pour autant. D’un point de vue professionnel je me suis toujours intéressée aux thématiques en lien avec les femmes et la société puis j’ai rencontré ma co-directrice de thèse, et elle m’a vivement encouragé à faire une thèse sur ce qui me passionne c’est à dire les problématiques liées au genre à l’égalité des sexes et à l’inclusion des femmes dans l’entreprise. Avant cela, mon mémoire de recherche de master portait sur le leadership féminin, cette thèse est donc la continuité logique de mes recherches qui n’ont d’ailleurs jamais cessé. 

«  [] on peut être étranger et faire une thèse dans une langue qui n’est pas forcément notre langue maternelle et réussir. On peut être maman et thésarde et réussir, on peut être journaliste ET chercheur et réussir. »

Mounira Elbouti



Qu’est-ce qui vous a mené à vous intéresser à cette thématique ?

Mounira Elbouti : Outre les enquêtes menées dans le cadre de mes activités journalistiques, j’ai toujours été dans la réflexion à propos des questions de genre et de société. Maman depuis 2019,  les concepts de balance vie privée vie professionnelle, plafond de verre, mompreneur, m’intéressaient de plus en plus. Et le contexte pandémique n’a fait qu’appuyer mon choix. 

Que peut-on vous souhaiter pour la suite ? Y a-t-il des projets et des thématiques de recherche qui vous tiennent à cœur ?

Mounira Elbouti : Avant toute chose, je souhaite soutenir ma thèse horizon 2023 et rester dans la recherche, je vise un post doc puis un poste de MCF tout en poursuivant mes recherches actuelles notamment au sein de ma chaire d'affiliation. Il me tient à coeur de publier un article avec mes co directeurs de thèse qui me soutiennent de manière inconditionnelle car je ne vous cache pas qu’être maman et thésarde,  n’est pas toujours facile à concilier. Avoir des directeurs de thèse qui vous soutiennent, qui croient en vous et qui vous écoutent est un vrai privilège. Et j’en suis bien consciente. 

Ensuite, je voudrais faire un autre master en études de genre juste après ma soutenance et orienter davantage mes recherches dans le champ de la sociologie des organisations. 

Aussi, je pense à un projet personnel dans la vulgarisation scientifique, où mes deux casquettes seront à l’honneur. 

 
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Mis à jour le 11 mai 2022