Mathias Forteau, professeur de droit public à l’Université Paris Nanterre et membre du CEDIN, élu à la Commission du droit international de l’ONU !

« […] avoir la chance de pouvoir pratiquer le droit international aux côtés de juristes venant du monde entier et de cultures juridiques diverses et variées permet d’enrichir de manière très féconde ses propres perspectives sur ce que devrait être le droit international de demain. »

Publié le 10 janvier 2022 Mis à jour le 21 janvier 2022

Protection de l'atmosphère, des personnes en cas de catastrophe, de l’environnement en relation avec les conflits armés… mais aussi prévention et répression des crimes contre l'humanité, immunités pénales des agents de l’État devant les juridictions d’autres États (notamment en cas de poursuite pour crime international), élévation du niveau des mers et son impact sur le droit des délimitations maritimes et la question des “réfugiés climatiques” font partie des thématiques essentielles auxquelles s’est récemment attelée, ou s’attelle à l’heure actuelle, la Commission du droit international.

Depuis 1947, cet organe subsidiaire de l’Assemblée générale des Nations Unies promeut le développement progressif du droit international et sa codification.

Entretien avec Mathias Forteau, membre du CEDIN, réélu pour un nouveau mandat pour la période 2023-2027.

 

L’équipe Point Commun : Bonjour, merci d’avoir accepté de répondre à nos questions. Vous avez été réélu,  le 12 novembre 2021, à la Commission du droit international (CDI) par l’Assemblée générale des Nations Unies. C’est une grande fierté pour l’université ! Vous assurerez un nouveau mandat de 5 ans, à partir de 2023. 

Comment décririez-vous la CDI… à quelqu’un qui n’en aurait jamais entendu parler ?


Mathias Forteau :  La CDI est chargée de mettre par écrit les règles coutumières (non écrites) du droit international, qui sont le produit de la pratique des États et des organisations internationales. Elle le fait en codifiant les règles existantes et en développant progressivement celles qui ne sont encore qu’émergentes. À ce titre, la Commission est en mesure d’influer sur le développement et le progrès du droit international. Sous son impulsion, de grandes conventions ont été conclues depuis la création des Nations Unies (la Convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques par exemple, ou le Statut de la Cour pénale internationale de 1998). 
 
À lire  → Garantir le droit international

La Commission possède pour ce faire une légitimité toute particulière : elle est composée en effet de 34 experts qui siègent à titre individuel et de manière indépendante et qui sont élus par l’Assemblée générale des Nations Unies sur la base de propositions faites par les États et d’une répartition des sièges par région qui vise à garantir que, “dans l’ensemble, la représentation des grandes formes de civilisation et des principaux systèmes juridiques du monde soit assurée” (article 8 de son Statut).
 

« Pour un internationaliste, être élu à la Commission est un très grand privilège compte tenu de l’autorité et de la portée de ses travaux et de son rôle irremplaçable de mise en forme du droit international contemporain et de développement de celui-ci. »

Mathias Forteau

Quelles sont les raisons qui vous ont mené à être candidat ?

Mathias Forteau : Pour un internationaliste, être élu à la Commission est un très grand privilège compte tenu de l’autorité et de la portée de ses travaux et de son rôle irremplaçable de mise en forme du droit international contemporain et de développement de celui-ci. Le fait que la Commission travaille en coopération étroite avec l’Assemblée générale des Nations Unies lui permet d’être pleinement informée des vues des États sur les sujets qui sont à son programme de travail et ainsi de pouvoir faire évoluer le droit international d’une manière qui soit à la fois légitime et réaliste tout en étant aussi ambitieuse que possible. Par ailleurs, avoir la chance de pouvoir pratiquer le droit international aux côtés de juristes venant du monde entier et de cultures juridiques diverses et variées permet d’enrichir de manière très féconde ses propres perspectives sur ce que devrait être le droit international de demain.
 

À lire  → La page de la Délégation de la France auprès des Nations Unies 



Quelles sont les missions et les défis qui vous attendent ?

Mathias Forteau :  En tant que membre de la CDI, dont les travaux sont de nature fortement collégiale, le principal défi consistera à assurer le succès des travaux de la Commission sur les thèmes à son ordre du jour. Cette année, ces travaux seront notamment : la finalisation en seconde lecture du projet de conclusions sur les normes impératives du droit international (l’équivalent de l’ordre public du droit interne, à savoir les normes les plus fondamentales du droit international auxquelles il n’est pas permis de déroger) et du projet sur l’environnement et les conflits armés, ainsi que la finalisation en première lecture du projet sur les immunités pénales des agents de l’État devant les juridictions étrangères. La question de l’impact de la montée des mers sur la survie de certains États sera également discutée cette année.

En tant que juriste francophone, j’aurai également la responsabilité particulière, avec d’autres, d’assurer que les travaux de la Commission continuent d’être activement menés dans le respect du multilinguisme (la CDI travaille dans les six langues officielles des Nations Unies) et que, notamment, la doctrine et la pensée juridiques francophones soient dûment prises en compte dans ses travaux. 

 

À visionner  → «  Le droit international aux Nations Unies : les défis à venir de la Commission du droit international » Avec Mathias Forteau, candidat de la France à la Commission du droit international. 19 février 2021 - La France à l'ONU

La Commission possède pour ce faire une légitimité toute particulière : elle est composée en effet de 34 experts qui siègent à titre individuel et de manière indépendante et qui sont élus par l’Assemblée générale des Nations Unies sur la base de propositions faites par les États et d’une répartition des sièges par région qui vise à garantir que, “dans l’ensemble, la représentation des grandes formes de civilisation et des principaux systèmes juridiques du monde soit assurée” (article 8 de son Statut).
 


Quel est votre parcours ?

Mathias Forteau : Après avoir obtenu ma licence de droit à l’Université de Tours, j’ai rejoint Nanterre en maîtrise (équivalent aujourd’hui du master) parce que Nanterre était l’une des rares universités où il était possible de se spécialiser dès la 4ème année en droit international exclusivement. J’y ai obtenu ensuite un DEA de droit international et européen avant de rédiger une thèse de doctorat en droit international au sein du Centre de droit international de Nanterre qui est un centre de renommée véritablement internationale. Ayant été recruté comme maître de conférence à Nanterre en 2003, je l’ai quittée en 2004 après avoir obtenu l’agrégation et un poste de professeur à Lille. Je suis revenu, quatre ans plus tard, à Nanterre  - tout simplement parce que c’est un endroit merveilleux pour enseigner le droit international et faire de la recherche dans cette discipline ! 
 

« Je m’engage à œuvrer au sein de la Commission du droit international afin que ses valeurs et ses méthodes de travail soient préservées et mises en œuvre au service des buts et principes des Nations unies, au premier chef le développement progressif et la codification du droit international qui permettent de donner vie à l’idéal fondateur des Nations unies d’établir la paix par le droit. Je serai par ailleurs attentif à ce que les préoccupations contemporaines de la communauté internationale soient dûment prises en compte dans les travaux de la Commission du droit international. »

Mathias Forteau
Source : https://onu.delegfrance.org/IMG/pdf/exe_cand_mathias-forteau_2020_29012021_s1.pdf


Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous intéresser au droit international ? 

Mathias Forteau : Ce fut une matière qui m’a passionné dès ma licence. À la suite de ce premier contact avec cette matière, je n’ai jamais envisagé travailler dans un autre domaine juridique que celui-ci. La dimension multidisciplinaire des questions posées (la géopolitique n’est jamais très loin) mais aussi sa grande technicité juridique qui vient toujours servir des intérêts ou répondre à des enjeux immédiatement compréhensibles et perceptibles, l’ouverture au monde, l’envie de grands espaces, tous ces éléments ont concouru à ce que le droit international devienne mon horizon professionnel.
 

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Mis à jour le 21 janvier 2022