Vous êtes l'université : François Regourd, Coordinateur des référent.e.s d'appui à la continuité pédagogique

Une mission cruciale en temps de crise

Publié le 4 décembre 2020 Mis à jour le 9 décembre 2020

François Regourd est vice-président délégué aux innovations pédagogiques et numériques mais il a bien d'autres casquettes, notamment celle de coordinateur des référent.e.s d'appui à la continuité pédagogique (RACP), une mission cruciale en temps de crise.

Point COMMUN : Bonjour M. Regourd, merci de répondre aux questions de Point COMMUN ! Pouvez-vous tout d'abord vous présenter et nous expliquer votre parcours à l'Université Paris Nanterre ?

François Regourd : Bonjour, et merci de m’avoir sollicité pour évoquer l’engagement des Référentes et des référents d’appui à la continuité pédagogique, qui illustrent de manière très parlante l’implication et la solidarité des enseignants.e.s et des enseignant.e.s chercheur.e.s dans le combat que nous menons collectivement, depuis des mois maintenant, pour maintenir une continuité pédagogique aussi solide que possible dans le contexte extrêmement difficile que nous connaissons.
Pour répondre en deux mots à votre première question : je suis avant tout historien, maître de conférences en histoire moderne des Amériques. Je travaille notamment sur l’histoire des sciences et des techniques en contexte colonial, aux XVIIe et de XVIIIe siècle, et sur la circulation des savoirs dans le monde atlantique. Cela étant, il est clair que, depuis mon arrivée à Nanterre en 1997 sur un poste d’ATER, et surtout depuis mon recrutement comme maître de conférences il y a bientôt vingt ans, il m’est arrivé trop souvent de devoir sacrifier mon temps de recherche, comme beaucoup de collègues, pour pouvoir assurer toutes mes charges : charges d’enseignement d’une part, que j’ai toujours voulu prioriser ; mais charges administratives, aussi, qui n’ont cessé de croître au fil des années. La coordination d’une licence d’histoire à distance, la responsabilité de la licence et la conception des maquettes LMD3 dans mon département… puis la direction-adjointe, l’administration provisoire et, depuis quelques années, la direction du Service Comète. Depuis maintenant trois mois, j’ai également accepté de venir renforcer la nouvelle équipe présidentielle, pour assumer, tout en restant directeur du service Comète, la charge de vice-président délégué aux Initiatives pédagogiques et numériques – mais aussi, par la force des choses, pour soutenir et contribuer à organiser au mieux cette fameuse continuité pédagogique...

PC : Vous êtes coordinateur, avec Mathieu de La Gorce (directeur-adjoint du Service Comète) des référent.e.s d'appui à la continuité pédagogique : dans quel contexte sont nés ces référent.e.s d’appui ?

Tout d’abord, je tiens à préciser que les référents et référentes d’appui sont un élément parmi d’autres du dispositif d’assistance et d’entraide pédagogique très complet qui a été déployé pour accompagner les enseignants et les enseignantes dès cet été, en prévision de la 2e vague Covid, que nous avions anticipée : formations en présentiel et en ligne (Comète, DRI, SERAI) ; prêt de matériel aux enseignants (comme aux étudiants, bien sûr) coordonné par la DRI et la Direction générale des services ; mise en ligne de plusieurs guides d’accompagnement pédagogique dès le mois de juillet pour préparer la rotation des effectifs et la découverte des outils numériques ; recrutement d’un chargé de mission pour accompagner les enseignants sur l’usage intensifié des suites Google et Microsoft, via un espace de cours ouvert sur la plateforme Coursenligne. Et bien sûr, mobilisation impressionnante de l’administration des UFR et des composantes et - encore une fois - de toute l’équipe du Service Comète, soumise à rude épreuve au gré des crises successives que notre établissement a dû affronter, depuis avril 2018 : les ingénieur.e.s pédagogiques, les informaticiens en charge des plateformes d’enseignement et d’examen, le pôle maintenance et équipement, mais aussi les cadres administratifs… L’engagement du Service Comète au service de la continuité pédagogique s’est également traduit, en parallèle, par l’équipement en baies podcast d’une quinzaine de nouvelles salles et amphithéâtres, dans des conditions très contraintes, et par le déploiement accéléré de la solution « web-TV », qui permet d’enregistrer et de diffuser toutes les vidéos nécessaires au bon fonctionnement des enseignements à distance, tant sur place qu’au domicile des enseignant.e.s. 

C’est dans ce contexte qu’une nouvelle équipe d’une trentaine de Référents d’appui pour la Continuité pédagogique (RACP) a été constituée dès le mois de septembre. Il s’agissait en fait de réactiver l’expérience très concluante du premier confinement, que nous avions mise en place avec le vice-président numérique de l’époque, Aurélien Saïdi, et le directeur-adjoint du Service Comète, Mathieu de La Gorce.

Dès la fin mars 2020, en effet, s’était fait jour le risque majeur d’une saturation du pôle d’ingénierie pédagogique du Service Comète (4 personnes, aguerries, certes, mais 4 personnes seulement, pour répondre aux questions et aux demandes d’accompagnement personnalisé de centaines d’enseignants aux prises avec de multiples difficultés liées à l’appropriations des outils devenus indispensable du fait du confinement). De fait, il faut se rappeler le choc que nous avons toutes et tous vécu, plus fort encore pour les enseignants et les enseignantes qui n’utilisaient que très ponctuellement les outils numériques et pédagogiques de notre université dans le cadre de leur enseignement présentiel : ouverture en urgence d’espaces de cours sur les plateformes pédagogiques, recherche de solutions pour mettre en place des classes virtuelles ou diffuser des cours rédigés ou enregistrés, puis paramétrage en flux tendu des examens en ligne, tenue de réunions à distance, etc. La solution qui consistait à mobiliser un vivier d’enseignants volontaires dans les UFR et composantes, pour accompagner au mieux leurs collègues sur le terrain, s’était présentée à nous comme une évidence.


PC : Quel était alors leur rôle, et quel est-il, depuis cette rentrée si particulière ?

L’idée, en les enrôlant dans une action collective et surtout en les coordonnant à travers un espace de coordination ouvert à leur intention sur la plateforme Coursenligne, était de clarifier l’information disponible, en identifiant clairement des collègues à contacter en priorité au sein des UFR et composantes. Ils et elles ont alors déployé une énergie incroyable, au téléphone, par mail ou en visio, soir et week-end compris, bien souvent (malgré nos incitations constantes à respecter leur temps de repos et leur droit à la déconnexion), pour épauler très concrètement leurs collègues, au quotidien, dans la mise en place de leurs enseignements à distance, puis dans le paramétrage des examens.
Leur rôle était aussi de faire remonter au plus vite et au plus haut niveau opérationnel (Vice-présidence numérique en lien avec la DRI, Direction du Service Comète) les problèmes concrets rencontrés sur le terrain, les besoins exprimés, mais aussi de mettre en cohérence les réponses apportées aux enseignants.
Les référents d’appui ont été tout à la fois des points d’ancrage rassurants, des médecins urgentistes, des conseillers bien informés, des porte-paroles, de fins psychologues et des soutiens humains et amicaux extrêmement précieux pour d’innombrables collègues.

Leur rôle est le même, depuis la rentrée, et leur utilité ne s’est pas démentie. Dans un premier temps, il nous a fallu renouveler les équipes, avec le soutien des directions d’UFR et de composantes, que je remercie encore ici très chaleureusement pour leur réactivité et leur collaboration. Certains et certaines n’ont pas souhaité continuer, tant les tâches et la pression quotidienne avaient été dures à assurer pendant 3 mois, déjà, en parallèle d’autres missions rendues plus difficiles par les effets du confinement ; d’autres en revanche (la majorité, fort heureusement pour nous) ont souhaité se réengager, et ont été rejoint.e.s par des collègues également motivé.e.s : les référents et référentes d’appui sont aujourd’hui une trentaine, leur engagement est pleinement reconnu par la présidence, et ils et elles travaillent à nouveau énormément pour alléger la tâche du plus grand nombre : ils répondent aux mails, échangent avec les collègues au téléphone, produisent parfois des tutoriels sonorisés ou animent des espaces de travail collaboratifs sur la plateforme. Ainsi, comme nous le souhaitions, de nombreuses réponses ont pu être apportées et diffusées rapidement dans les composantes par leur intermédiaire – et tout est prêt, aujourd’hui, pour programmer les examens avec, une fois de plus, leur soutien remarquable.

PC : En tant que coordinateur, quel est votre rôle auprès de ces référent.e.s et de notre communauté universitaire ?

Avec le directeur-adjoint du service Comète, Mathieu de La Gorce, nous tâchons de répondre dans les 24 heures à toute question posée par l’un ou l’une des 30 référents et référentes d’appui sur le forum de notre espace de coordination ; sur nombre de sujets, des discussions s’engagent avec les plus aguerri.e.s, et les réponses apportées permettent à l’ensemble de la communauté de bénéficier d’une solution fiable et éprouvée. Nous remontons aussi les réponses à certaines questions plus complexes, pour lesquelles nous consultons en quelques heures le directeur de la DRI (Abdel Ramdani), les responsables de la plateforme (Jean-François Lemoine, Jérôme Kreutzer et/ou Jean-François Le Van, en fonction des questions), l’administration générale (Thibaut Pierre et Fatiha Rochefort) ou les VP CFVU.

PC : Selon vous, pourquoi ce dispositif est important en ces temps actuels ?

Ce dispositif est un complément indispensable au travail énorme que fournissent tous les services administratifs, techniques et pédagogiques. Il permet de décongestionner les circuits d’information, de fiabiliser les réponses apportées, de faire remonter les problèmes, d’esquisser des solutions avec un temps d’avance, aussi, qui pourront être exploitées à l’avenir (nouveaux logiciels, nouveaux besoins, nouvelles compétences, nouvelles réflexions pédagogiques… ). Il est souvent plus facile de se tourner vers un collègue que l’on connaît et que l’on apprécie, aussi : le langage et les craintes sont les mêmes, les contraintes peuvent être mieux comprises (notamment au regard des spécificités de chaque discipline), le soutien peut être parfois personnalisé plus rapidement et plus simplement : c’est un élément adapté, en complément de toutes les autres aides, qui permet de limiter le risque d’isolement face à la fracture numérique que peuvent avoir rencontré quelques collègues au plus fort du confinement (collègues âgés, souffrant de difficultés particulières qu’il n’est alors pas besoin d’expliciter, etc.). Dans certains cas, des référent.e.s ont ainsi pu prendre l’initiative de contacter des collègues, sur avis de leur direction de département ou d’UFR. Cette souplesse et ce lien social ne sont pas de petites choses, dans le contexte actuel.

PC : Comment peut-on y contribuer ? Notamment, si je suis enseignant et que je souhaite me renseigner et/ou aider (pour devenir référent.e d'appui par exemple), que puis-je faire ?

Vous faites bien de me poser cette question ! Et il faut d’ailleurs bien rappeler ici que de nombreux collègues ont été, à la manière de M. Jourdain, des « référent.e.s d’appui » sans le savoir : il serait impossible de relever tous les cas où, pour épauler deux ou trois collègues, pour structurer le travail à distance d’une petite équipe de chargé.e.s de cours, des enseignant.e.s ont dû s’improviser ponctuellement formateurs et organisateurs, faisant preuve d’une solidarité qui fait honneur à toute notre communauté. Si, à l’approche de ce second semestre, certains ou certaines souhaitent s’engager de manière plus visible et plus globale aux côtés de l’équipe actuelle, ils et elles peuvent bien sûr contacter leur direction d’UFR ou de composante, qui pourra me transmettre leurs coordonnées si l’équipe locale s’avère encore insuffisamment étoffée, ou si une relève à mi-parcours semble nécessaire, pour prévenir tout risque de surmenage : nous allons, de fait, devoir probablement constituer une nouvelle équipe à partir de janvier, en espérant que le plus grand nombre acceptera de continuer, pour affronter le second semestre.

PC : Ce dispositif a-t-il selon vous un avenir post-crise ? Pensez-vous qu'une fois la crise terminée, les usages pédagogiques vont évoluer ? Sommes-nous en train d'assister à une évolution conséquente des pratiques pédagogiques universitaires ?

On ne peut pas nier que cette crise Covid a poussé dans le grand bain de manière très brutale l’ensemble de notre communauté. Passé le premier choc, dont on perçoit encore les séquelles aujourd’hui, nous avons appris des choses, individuellement et collectivement : les outils semblent moins hostiles, moins mystérieux – et ils ont d’ailleurs eux-mêmes évolué très vite, pour s’adapter ; les configurations pédagogiques s’affinent peu à peu ; des idées surgissent pour l’avenir, y compris chez des collègues qui pouvaient avoir fait le serment secret de ne jamais entrer dans une logique impliquant de l’enseignement à distance. Plusieurs idées neuves peuvent avoir germé ou pris corps chez certains et certaines : l’idée des mobilités virtuelles portées par le projet EDUC en collaboration avec cinq universités européennes, l’idée d’enseigner ponctuellement à distance au sein d’un semestre pour s’autoriser une mission courte de recherche à l’étranger, l’idée, encore, d’utiliser certaines activités de la plateforme Coursenligne dans le cadre de ses enseignements présentiels : tests QCM pour favoriser les révisions, remise de devoirs ou de contributions en ligne, variantes autour de la classe inversée, etc. Autant de petites révolutions inattendues, pour beaucoup d’entre nous.
Par contre, soyons clairs, nous avons également vu toutes les difficultés liées à l’usage forcé du numérique : isolement des étudiants ; décrochage de l’attention durant les cours en visio ou sur PDF ; dépersonnalisation des échanges ; surcroît de travail considérable pour les enseignants ; insuffisance ou fragilité de certains outils ; problèmes de connexions et coût de l’équipement des étudiants et des enseignants ; remédiations beaucoup plus difficiles à faire… Rien ne vaut le présentiel, c’est une évidence. S’il y a du positif dans cette expérience – et il y en a, je pense - il réside surtout dans l’idée que le numérique pourrait être sollicité plus facilement à l’avenir par de nombreux collègues qui voudraient le faire car, de fait, il est devenu plus familier et plus accessible. La classe inversée, par exemple, pourrait de facto être une solution que des collègues envisageront de manière plus concrète, à l’avenir, en réutilisant par exemple des ressources libres découvertes à cette occasion sur les sites des universités numériques thématiques, ou des cours enregistrés ou rédigés durant cet automne, qu’ils pourraient décider l’an prochain de mettre à disposition de leurs étudiants pour les retravailler ensuite en classe de manière plus interactive… De nombreux exercices en ligne, aussi, pourront être réutilisés par celles et ceux qui le souhaitent, pour consolider les apprentissages.

Plus largement, je pense que le partage d’expérience et de compétence entre collègues a un bel avenir devant lui ; et c’est toute l’ambition qu’il nous faut développer dans les années qui viennent, dans la continuité des premiers cafés ou petits-déjeuners pédagogiques que nous avons lancés l’an dernier avec un réel succès, avec Nathalie Chèze, Aurélien Saïdi et Mathieu de La Gorce. La solidarité et l’entraide ont de beaux jours devant elles sur le terrain de la pédagogie, et nous allons toutes et tous continuer à y travailler, dans l’esprit même qui anime la communauté des référents et des référentes d’appui à la continuité pédagogique, depuis avril dernier. Tout cela, malgré toutes les épreuves du moment, doit nous rendre optimistes.

Merci François d'avoir répondu aux questions de Point COMMUN sur ce sujet au combien important en ce moment ! On reste optimistes également !

Mis à jour le 09 décembre 2020