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Vous êtes l'université : Caroline Bogliotti, maître de conférences en sciences du langage
La langue des signes à l'université
Pour ce numéro du mois de décembre, nous avons interviewé Caroline Bogliotti, professeur du Master Fonctionnements linguistiques et dysfonctionnements langagiers. Psycholinguiste, elle s'intéresse à la fois aux troubles du langage et à la LSF (langue des signes française), deux thématiques fondamentales pour l'égalité des chances au sein de l'université.
Caroline : Je suis Caroline Bogliotti, Maitre de conférences en Linguistique à Nanterre.
Après une année de Licence en Psychologie dans laquelle il y avait une option Sciences du langage que j’ai vraiment apprécié, j’ai décidé d’abandonner la psychologie me réorienter en SDL. J’ai fait une licence Sciences du langage à Nice puis Maitrise et DEA de Psycholinguistique à Paris Diderot. Puis j’ai fait une thèse dont l’objectif était de comprendre le lien entre la perception des sons et le déficit de lecture que l’on constate dans la dyslexie.
Tout ça n’a rien à voir avec la LSF, mais comme beaucoup de gens qui apprennent la LSF, c’est une langue qui m’a toujours fascinée, et ce sont des rencontres au cours de mon adolescence avec des gens et des ouvrages sur les sourds qui m’ont données envie de l’apprendre. Mais je l’ai apprise assez tard car je m’y suis mise après ma thèse, pendant que je faisais mon post doctorat sur le projet Genedys au Laboratoire de Sciences Cognitives et Psycholinguistique à l’Ecole Normale Supérieure. Cela m’a tellement plu que j’ai enchainé les 10 niveaux très rapidement puis fait un DESU professionnel LSF- Français. C’était une grande chance de le faire à ce moment-là, car avec mon bagage de linguiste et de psycholinguistique, j’ai compris que le champ de l’analyse linguistique des langues signées était un champ quasi vierge.
Aussi, lors de mon recrutement à Nanterre en 2009, j’ai présenté un projet de recherche sur les troubles du langage en LSF, ce qui rejoignait mon intérêt pour les troubles du langage et celui pour la LSF.
PC : Vous êtes membre du laboratoire Modyco à l’Université Paris Nanterre, pouvez-vous nous expliquer ses missions ? Quel est votre rôle dans l’équipe ?
Caroline : Le laboratoire MODYCO est un laboratoire de linguistique avec des thématiques très variées : de la linguistique générale, du TAL, de la psycholinguistique, sociolinguisitque. Le langage nous intéresse sous tous ses aspects et dans toutes ses réalisations (oral, écrit, signé).
Je suis responsable de l’équipe Psycholinguistique. Dans cette équipe, nous conduisons des recherches sur le développement du langage tout au long de la vie chez des enfants et adultes, des locuteurs bilingues, des sourds, des séniors etc.
PC : Vous êtes également membre de l’Institut Universitaire de France (IUF) depuis 2017, pouvez-vous nous parler de ses objectifs et nous décrire vos projets au sein de cet organisme ?
Caroline : L’IUF a pour mission d’aider les chercheurs à faire de la recherche d’excellence, à féminiser et territorialiser la recherche. Tous les EC ne sont pas égaux sur le territoire (nous n’avons pas tous les mêmes infrastructures de recherche), les femmes, sans généraliser évidemment, sont toujours un peu ralenties en raison de la charge parentale. Aussi, nous profitons de décharge de cours et de financement pour faire avancer nos recherches.
Le projet que j’ai proposé a pour titre « linguistique clinique et LSF : modélisation de l’acquisition de la LSF et des troubles du langage en LSF ». Un des premiers objectifs est de proposer un modèle décrivant les différentes étapes de l’acquisition de la LSF, et le second de créer une batterie complète d’évaluation et de remédiation de la LSF.
PC : Comment se déroule votre journée type à l’Université Paris Nanterre ?
Caroline : Il n’y a pas vraiment de journée type, et c’est le lot des EC. Entre les cours, les rencontres avec nos étudiants de master ou doctorants à propos de leur recherches, les séminaires, les réunions pédagogiques concernant les parcours, nos propres recherches, cela représente des journées très remplies et il faut savoir être flexible et adaptable car les activités s’enchainent !! On part aussi en conférence, et là c’est un régal que de rencontrer nos pairs étrangers et de présenter nos travaux. C’est très enrichissant car on découvre différentes manières de travailler et on peut échanger et se conseiller sur nos recherches et pratiques.
Bref, on ne s’embête pas, et on aurait besoin parfois de lâcher la pédale !
PC : Quel est l’aspect de votre travail qui vous satisfait le plus ?
Caroline : Je suis pycholinguistique, et je fais beaucoup d’expérimentations. L’objectif est d’évaluer des hypothèses qu’on a sur des compétences linguistiques à partir de paradigmes expérimentaux. On teste les participants soit en comportemental (le participant donne une réponse), soit en électrophysiologie (le participant ne fait rien d’actif, on regarde comment son cerveau traite le langage). Et donc moi j’adore créer ces expérimentations, réfléchir à comment les monter. C’est comme un jeu.
PC : Auriez-vous des suggestions pour améliorer l’accessibilité à l’université ?
Caroline : Alors moi, je ne saurais pas juger de ce qu’il faudrait améliorer à la fac car il y a sans doute des points sur l’accessibilité que je ne connais pas. Sur la question de la surdité, le département SDL est une formation pilote en ce qui concerne l’utilisation d’un outil pour rendre accessible les cours : le prof parle et tout est retranscrit automatiquement via un logiciel pour faciliter la prise de notes pour les étudiants sourds. Ce processus peut même être utile pour les étudiants avec des problèmes moteurs qui éprouvent des difficultés à écrire.
Je sais aussi que l’université propose des cours de LSF depuis cette année. Il y a dix personnes qui peuvent le suivre. C’est peu mais c’est déjà un début !
Mais bon, pour les sourds l’accessibilité ça se joue avant : il faut davantage de classes bilingue LSF français dans lesquelles les entendants et les sourds se fréquentent.
En tout cas je connais le travail de M. Kékouche, directeur du Pôle Handicaps et Accessibilité du SCUIO-IP et il est toujours disponible pour nous recevoir et réfléchir aux questions de l’accessibilité au-delà des services à rendre aux étudiants.
PC : Quels conseils donneriez-vous à un·e jeune étudiant·e qui s’intéresse à votre domaine de recherche ?
Caroline : Pour travailler dans la recherche ? Quel que soit le domaine, rester curieux, savoir travailler en équipe, maitriser l’anglais est indispensable, et puis avoir l’âme voyageuse pour.
PC : Avez-vous un endroit préféré au sein du campus universitaire ?
Caroline : J’aime beaucoup le campus au printemps, avec tous les arbres en fleurs, et les étudiants en train de flâner.
Mis à jour le 16 février 2021