Mais au fait c'est quoi le programme PAUSE ?

Interview de Pascale Laborier, chargée de mission à l'université

Publié le 20 novembre 2019 Mis à jour le 4 décembre 2019

Le programme Programme national d’Accueil en Urgence des Scientifiques en Exil (PAUSE) existe en France depuis 2017. Pascale Laborier, chargée de mission « Chercheuses et chercheurs en danger » au sein de l'Université Paris Nanterre fait partie des personnes qui ont permis à ce programme de voir le jour. Elle a accepté de répondre aux questions de Point COMMUN pour nous faire découvrir en détail ce programme au slogan fort "Sauver une vie, sauver des idées".

Point COMMUN : Bonjour Mme Laborier, pouvez-vous vous présenter, nous présenter ce qu'est le programme PAUSE ? Depuis quand ce programme existe-t-il et pourquoi, dans quel contexte, a-t-il été créé ?

Pascale Laborier : Je suis professeure de science politique à l’Université Paris Nanterre depuis 2011 et chargée de mission « Chercheuses et chercheurs en danger » par la Présidence de l’université depuis décembre 2018. Avant de rejoindre notre université, je dirigeai auparavant un Centre Franco-allemand de recherche à Berlin, le Centre Marc Bloch.
Il se trouve que j’ai été en charge des Sciences Humaines et Sociales dans le cabinet du Secrétaire d'État à l'enseignement supérieur et la recherche, Thierry Mandon, pendant dix-huit mois, d'aout 2015 à mai 2017.
Le début de ce travail a coïncidé avec les tristes événements de Palmyre d'août 2015 [L’État Islamique exécute publiquement, après l’avoir torturé pendant plusieurs semaines, l’archéologue Khaled al-Assad. Il avait été responsable du service des Antiquités de Palmyre pendant 40 années]. La répression contre les universitaires menée par le Président Recep Tayyip Erdoğan en Turquie en 2016 provoque une nouvelle vague d’exil de scientifiques vers la France.
Infographie tirée du site www.college-de-france.fr Infographie tirée du site www.college-de-france.fr
C'est dans ce contexte que le Programme national d’Accueil en Urgence des Scientifiques en Exil (PAUSE) a été imaginé. Il a été lancé en janvier 2017 à l’initiative du Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation et porté par le Collège de France. Il est la réponse de la communauté scientifique à la situation des chercheurs en danger. Il s’agit d'un co-financement par le programme et les établissements partenaires du programme du salaire pour l'accueil d'un·e chercheur·e pendant un an, renouvelable une fois.


Dans quelle mesure l'Université Paris Nanterre participe-t-elle à ce programme ?

L’Université Paris Nanterre fait partie de ces établissements partenaires depuis le début du programme.
Elle a déjà soutenu dix candidatures au Programme PAUSE (huit de la Turquie, une de Syrie et une du Burundi). Quatre lauréates (de Turquie) n’ont toujours pas pu vu venir. Ayant perdu leurs postes, elles ont aussi perdu leur passeport et la liberté de voyager.

Au niveau des moyens humains, l’Université Paris Nanterre a mis à disposition deux personnels de la Direction de la Recherche et des Etudes Doctorales (DRED) pour soutenir cet effort ainsi que qu'une enseignante chargée de mission, moi-même. Quatre mois de professeurs invités au moins sont mobilisés pour le co-financement des lauréats que l’établissement est susceptible d’accueillir.
Depuis la mise en place de la mission auprès d'Hélène Aji (vice-présidente en charge de la recherche), j'ai travaillé en lien avec elle, Sophie Bugnon et Elodie Ozenne. Notre engagement a permis d’accroitre considérablement le nombre d'accueil des lauréats par PAUSE. Nous sommes passés au montage de un dossier par an au début à six dossiers cette année. Les collègues dans les laboratoires de recherche et les UFR s'engagent également scientifiquement et humainement au quotidien auprès de leurs collègues pour les intégrer à UPN. Le labex les Passés dans le Présent a contribué à l’accueil dès 2015 (avant la création du programme PAUSE) de cinq archéologues ou préhistoriens syriens. Nous travaillons aussi avec l’International Education Institut Scholar Rescue Fund (IIE-SRF) pour élargir notre capacité d’accueil et faire des co-financements.

Actuellement nous avons aussi une proposition du Artist Protection Fund qui finance entièrement le salaire d’un artiste en danger, si nous pouvons contribuer à son accueil en résidence (Que les lectrices et lecteurs de Point Commun me contactent s’ils sont intéressés !).


Quel est le profil, le parcours, des scientifiques que vous pouvez aider grâce au programme PAUSE ?

Les chercheur·e·s proviennent de pays où sévissent régimes autoritaires ou groupes obscurantistes. Des milliers de femmes et d’hommes investis dans la recherche, la science et l’enseignement, la culture sont persécutés, privés de libertés et parfois assassinés raison du contenu de leur recherche, de leurs opinions, de leur appartenance à une minorité, d’une orientation sexuelle ou d’un engagement. Si la majorité des chercheurs sont originaires du Proche et du Moyen-Orient, de plus en plus proviennent d’Afrique subsaharienne, d’Asie et d’Amérique latine.
Leur vie et celle de leur famille sont en danger et leur capacité à poursuivre leurs travaux est entravée.
Le programme a pu élargir ses missions, initialement limitées à l’accueil en urgence, à un accompagnement à l’insertion sociale et professionnelle des chercheurs accueillis. Il s’est également ouvert aux chercheurs et enseignants issus du monde de la culture, avec l’ambition de s’élargir à terme aux artistes.


Le programme organise-t-il des événements par ailleurs, et comment peut-on se tenir informés de son actualité ?

L’accueil des chercheurs et la préservation du patrimoine scientifique, intellectuel et culturel relevant d’une responsabilité collective, transnationale, le programme PAUSE collabore étroitement avec les dispositifs homologues à l’international, en particulier allemand (Philipp Schwartz Initiative de la Fondation von Humboldt), américains (Scholar Rescue Fund, réseau Scholars at Risk) et britannique (Council for At-Risk Academics) et participe à un projet européen Horizon 2020 « ISPIREurope » rassemblant un ensemble de programmes et initiatives européens visant à coordonner les initiatives au niveau européen pour élaborer des solutions durables à l’intégration des chercheurs en danger au sein de leur société d’accueil.

PAUSE a organisé une soirée à la Gaîté Lyrique en octobre sur « Sciences et Arts en Exil » auquel j’ai contribué avec les portraits réalisés par le photographe berlinois Pierre-Jérôme Adjedj dans le cadre d’un projet de recherche « RESTRICA - Regards sur les exils scientifiques contraints d’aujourd’hui ». Il a été financé par notre COMUE UPL, avec le soutien de Open Society Foudation et PAUSE. Il a été projeté lors d’un concert d’Orpheus XXI, projet musical lancé par le chef d’orchestre espagnol Jordi Savall.

Vous pouvez suivre l’actualité du programme sur Twitter (https://twitter.com/Programme_PAUSE) mais également sur le site du collège de France (https://www.college-de-france.fr/site/programme-pause/index.htm).


Auriez-vous une anecdote ou un événement qui a été particulièrement marquant pour vous en lien avec le programme et que vous souhaiteriez partager avec nous ?

Oui avant le lancement de PAUSE, on nous disait que les chercheur·e·s ne cherchaient pas refuge en France, car ils·elles n'étaient pas intéressé·e·s... Or nous avions la conviction que comme il n'y avait pas de dispositif d'aides ponctuelles comme dans d'autres pays, ils ne pouvaient guère être matériellement aidés.

Depuis près de 3 ans, plus de 200 scientifiques étrangers de toutes disciplines ont été accueillis dans 75 établissements d’enseignement supérieur et de recherche à travers la France et c'est devenu l’un des premiers programmes européen. C’est Laura Lohéac qui est la directrice de PAUSE et qui a mis en œuvre ce programme de solidarité. Amaryllis Quezada, une mastérante de notre université, y a fait un stage puis a trouvé un emploi sur les financements européens.

Une autre anecdote. De même nos partenaires étaient sceptiques sur l'engagement des universités. Or dès le premier appel de PAUSE en janvier 2017, avec un délai de réponse de quinze jours, plus de la moitié des établissements français ont répondu avec 50 demandes. L’Université Paris Nanterre a d’ailleurs répondu présente dès le début !

Un grand merci Pascale d'avoir répondu aux questions de Point COMMUN, nous allons suivre de près les évolutions du programme PAUSE !


Pour aller plus loin, découvrez le programme PAUSE en vidéo (réalisée par PAUSE lors des rencontres internationales de 2017)




 


Mis à jour le 04 décembre 2019