Héros du quotidien : Marie et Maeva, professeurs de français pour les étudiants en situation d'exil

Un bel exemple d'engagement par l'enseignement

Publié le 22 octobre 2018 Mis à jour le 7 novembre 2018

Pour ce numéro du mois de novembre, nous avons interviewé Marie et Maeva, professeurs de français langue étrangère donnant des cours aux étudiants en situation d'exil. Même s'il ne s'agit pas de bénévolat, on parle ici d'un vrai choix et d'une réelle implication humaine. Les élèves sont suivis sur plusieurs années, jusqu'à leur entrée dans une filière "classique" à l'université dans le meilleur des cas, et la relation qui se créé entre enseignantes et étudiants est de fait plus riche.

Qu'est ce que le dispositif d'accueil des étudiants en situation d'exil ?

C'est un dispositif que l'Université Paris Nanterre a choisi de mettre en place il y a 3 ans pour répondre à une situation d'urgence. C'est un acte volontaire et engagé qui consiste en la création d'un programme d'accueil et de cours de français langue étrangère à destination d'étudiant·e·s en situation d'exil. Les cours sont dispensés par des enseignant·e·s formé·e·s et délivre une certification académique permettant ensuite potentiellement une poursuite d'étude dans un cursus universitaire français. Plus d'informations



Retrouvez le dispositif d'accueil des étudiants en situation d'exil sur le site du service RSU-DD de l'université



Point COMMUN : Pouvez-vous vous présenter et nous présenter votre parcours ?

Marie : Je m’appelle Marie Heimburger. J’ai enseigné six ans le français et le français langue étrangère (FLE) en collège et lycée avant d’être en poste à l’Université Paris Nanterre. Je fais partie de l’équipe enseignante du FETE (Français pour étudiants étrangers) à l’Université Paris Nanterre depuis six ans et j’enseigne le français à des étudiants d’origine étrangère.

Maeva : Je m'appelle Maeva, je suis professeure de FLE depuis octobre 2013. Je suis diplômée de l'université Paris Descartes. J'ai toujours aimé enseigner et transmettre ma langue et ma culture, c'est d'autant plus valorisant et riche.
J'enseigne auprès de différents publics, les réfugiés ici à l'Université Paris Nanterre et l'alphabétisation à la mairie de Paris.
 Il s'agit d"un public francophone d'Afrique non ou peu scolarisé qui doivent apprendre les règles de la lecture et de l'écriture, auprès d'un public plus universitaire dirons nous. Il s'agit d'étudiants inscrits dans l'école ECV (école de communication visuelle de Paris) qui souhaitent entrer dans le cursus de l'école mais n'ont pas le bagage suffisant en français. Il s'agit donc de les préparer à un niveau B2 afin de suivre les cours plus sereinement.
C'est en cela que j'aime particulièrement mon métier, la diversité du public, des objectifs, et des niveaux est très riche.

PC : Comment fonctionne le dispositif d'accueil des étudiants en situation d'exil à l'université dans les grandes lignes ? Quels étudiants sont concernés ?

Marie : Les étudiants en situation d’exil doivent avoir suivi des études dans leur pays d’origine jusqu’au baccalauréat pour pouvoir suivre les cours de français pour réfugiés politiques dispensés à l’Université Paris Nanterre après la réussite d’un test de positionnement en français attestant qu’ils ont le niveau requis pour suivre cet enseignement.


PC : Comment cela se passe-t-il avec les étudiants ? Le contact est-il facile dès le début ? Gardez-vous contact par la suite avec les étudiants ?

Marie : 
Le contact est facile car les étudiants sont très motivés. Je suis étonnée de la capacité des étudiants réfugiés politiques à faire preuve d’humour dans les cours. Nous travaillons dans une ambiance très agréable malgré les difficultés que ces étudiants peuvent rencontrer par ailleurs.

Maeva : Cela se passe plutôt bien. Le contact est facile. Il faut être relativement ouverte, ce que je pense être, donc le contact se crée bien. Toutefois, ce n'est pas toujours facile. Ils arrivent avec une très grande motivation mais leurs difficultés quotidiennes peuvent parfois les rattraper, ils perdent donc pied et ne progressent plus. Il faut donc avoir le regard vif et se rendre compte quand un étudiant lâche pour le remotiver et l'encourager à continuer. Un peu d'empathie et de bienveillance font que le cours se déroule plutôt bien.
Je garde des contacts avec eux par la suite mais cela ne dure pas longtemps, nous avons tous nos vies personnelles ou professionnelles, ce qui fait qu'il est difficile de prendre le temps de garder contact. Mais en tout cas on reste en contact pour certains au moins le temps de leur entrée à l'université (une des plus belles satisfactions pour nous les professeurs !).

PC : Que vous apporte cette expérience personnellement ? Qu'est ce qui pourrait améliorer le dispositif selon vous ?


Marie : 
Cette expérience permet le suivi des étudiants sur plusieurs années, contrairement à des formations courtes. Il est gratifiant de les accompagner du niveau débutant en français à la réalisation de leurs projets d’orientation. Un travail avec les services de l’orientation de Nanterre et de l’entrepreneuriat serait intéressant pour mêler un travail sur la langue française et sur l’orientation.

Maeva : C'est une riche expérience qui permet de relativiser, de se sentir vraiment utile. On sait que ce cours de français peut leur permettre un changement de vie radical. Ce sont des personnes généreuses qui sont très reconnaissantes. Ainsi cela revalorise notre métier, et cela donne énormément de sens à ce que nous faisons.
Pour améliorer le dispositif, il faudrait peréniser le projet : que celui ci s'inscrive bien dans l'université, que tout le monde sache que ce dispositif existe et que des projets puissent être faits entre nous et d'autres UFR (par exemple, faire en sorte que nos étudiants puissent observer quelques cours de licence pour voir à quoi cela ressemble) mais il me semble que tout est en pourparler, on croise les doigts.


PC : Je suis intéressée pour m'investir dans l'accueil et l'intégration des étudiants dans notre université, que me conseillez-vous, comment puis-je m'impliquer ?

Marie : 
Les étudiants sont demandeurs de tutorat, d’ateliers de conversation en français. Il suffirait alors de déjeuner avec les étudiants d’origine étrangère ou de les entraîner dans des activités sportives collectives ou de les aider pour leurs devoirs de français pour qu’ils puissent sortir de l’isolement dans lequel ils peuvent se trouver et progresser en français !

Maeva : Vous pouvez vous impliquer en proposant des projets, en incluant nos étudiants aux autres étudiants du campus. Ce n'est pas toujours évident de combiner tous les emplois du temps mais vous pouvez essayer de proposer des choses à faire ensemble: projets, tutorat, visites...

PC : Quel est votre endroit préféré à l'Université Paris Nanterre ?

Marie : 
L’Université Paris Nanterre est un lieu très vert. J’apprécie particulièrement les espaces verts de ce campus et les vues très urbaines que les grandes fenêtres de certains bâtiments laissent transparaître.

Maeva :
Travaillant beaucoup j'avoue ne pas me promener beaucoup à Nanterre, mais la Maison de l'Étudiants est un endroit que je trouve agréable et je me dis si j'étais étudiante je ferais beaucoup de choses là bas (ou tout du moins sur le campus). Beaucoup d'activités sont proposées c'est vraiment génial. Je n'ai pas le temps pour ma part mais en tant qu'étudiant c'est vraiment super.


PC : Avez vous une anecdote que vous souhaitez nous raconter ?

Marie : 
Lorsque je dis aux étudiants d’afficher des documents comprenant les verbes conjugués au présent en français dans la salle de bains pour les mémoriser en se brossant les dents, ils me disent qu’ils doivent déménager pour un appartement plus grand pour trouver la place de mettre au mur toutes les feuilles importantes à mémoriser en français…

Maeva : Je n'ai pas particulièrement d'anecdote, par contre je peux vous faire part d'un projet lancé avec eux : un projet de radio avec le centre AGORA de Nanterre (ville). Cela fait la deuxième année que je fais cela les étudiants adorent et ça nous permet de sortir un peu de la classe.

PC : Un message à faire passer à la communauté ?

Marie : 
Les étudiants d’origine étrangère sont curieux de rencontrer d’autres professeurs et de pouvoir assister à des cours de spécialisation qui sont dispensés sur le campus. Si certains enseignants pouvaient répondre à cette demande, ce serait fantastique !



Merci beaucoup Marie et Maeva d'avoir répondu à nos questions, le message est passé, avis aux motivés ! Et encore bravo et merci pour votre engagement et vos actions.






Mis à jour le 07 novembre 2018